Vous avez dit
Culture ?
Mesdames et Messieurs les candidats en campagne,

Culture.
Le mot culture, vos pensées culture, vos actions culture : malaise.

Vos idées de projet culturel  (droits culturels inclus) sécrètent un goût de mort en leur célébration convaincue du repéré, votre soutien sans failles aux formes existantes, votre évacuation des gestes nouveaux qui ne déclenchent pas illico des standings ovations, gages de développement économique prometteur.

Mort de ne pas me sentir vivante au milieu de l’allégeance collective, au milieu du grand nombre, au milieu de la foule, au milieu de l’enthousiasme souvent barbare du plus grand nombre. Malaise vos jeux du cirque institués en convocations festives tels le salon de la pornographie, ici, le salon du mariage ou autres amusements familiaux, ailleurs.
Culture
Fédérer le plus grand nombre autour de propositions qui rassemblent ?
Cyril Hanouna rassemble. Les ch'tis rassemblent, la fête de la musique (?) rassemble en artistes réjouis d’un jour et trottoirs avinés du lendemain.
Malaise.
L’Histoire et sa multitude de rassemblements d’individus en adhésion.
Malaise. 

Culture
Tisser du lien ? Renforcer le lien social ?
Tu veux dire gommer, niveler,  fondre, confondre,  flouter les frontières ?
Culture
Extincteur des feux dans les cités ?
Apporter le théâtre dans les quartiers « difficiles », prioritaires?

Culture
Quel théâtre ? Pour qui ? Pour quoi ? Par qui ?
Un vieux Molière – goguenard et transgressif à souhait ?
Un truc en lien avec le programme scolaire ?
Un corbeau et un renard proprets, bien articulés/déclamés, bien typologisés?
Un bon vieux truc bien pédagogique-didactique en lieu et place de l’inquiétude de la poésie, d’un truc qui trouerait un instant l’espace circonscrit du quotidien, du fonctionnement assigné, du convenu intégré, assimilé ?
Et les politiques et les futurs élus de s’emparer du vaste fourre-tout tutti frutti meli melo sacro saint panier garni intitulé « culture ».
Et les politiques et futurs élus en besoin d’être élus de s’engouffrer vent debout tous feux éteints dans le vaisseau gagnant satisfaisant gratifiant de "la culture pour tous".
La culture pour les sourds. La culture pour les aveugles. La culture pour les bébés de 3 semaines, la culture pour les handicapés moteurs et/ou cérébraux, la culture pour les pères célibataires et leurs enfants en alternance, la culture pour les femmes des quartiers nord, les personnes âgées, les enfants malades dans les hôpitaux.
À chaque culture promise, une voix supplémentaire dans l’urne. Jackpot.

[...]

Je proteste avec Artaud (!) contre le rétrécissement insensé qu’on fait subir à la culture. En la réduisant à une sorte d’inconcevable panthéon.
Comme si la culture n’était pas un moyen raffiné de comprendre et d’exercer la vie. En l’état du monde et de la cité, en l’état de la confusion culturelle qui sied au discours brumeux des politiques en mal de voix, en souci d’élection, en l’état de la dégradation de l’idée de culture, je vote pour un art exigeant, non confondu, non assimilé, je vote pour des gestes artistiques pourfendeurs de nos ankyloses stylistiques, désenchanteurs de nos connivences malines, défonceurs de nos placebos supplétifs distillés à hue et à dia, en veux-tu en voilà, sur nos plateaux de services publics ou autres.

Je vote pour une prise en compte élevée et digne de la place faite à la femme et à l’homme. Pour des propositions artistiques qui construisent un nous plus alerte par la fabrique d’interpellations poétiques, vitalisantes.

Je vote pour des chamboulements constructifs de nos habitus.